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Fuck my life

Mon chef commença une phrase avec « For your career, I think... » Je n'ai pas écouté la suite, je savais qu'il allait me sortir tous les éléments d'une liste à laquelle je devais me conformer si je voulais une promotion.

Peu à peu, je me déconnectai du monde, et de la situation dans laquelle j'étais. J'avais appuyé sur le bouton pause et je rembobinais la cassette pour savoir comment j'avais atterri dans ce bordel.

J'étais un putain de prisonnier. Prisonnier de ma vie, prisonnier de mes ambitions, prisonniers de mes relations. Je voulais dire à tout le monde d'aller se faire foutre, mais je n'en avais pas le courage. Alors j'acquiesçai aux conneries de mon chef, espérant que la réunion allait se terminer bientôt.

Ma journée termina, j'éteignai mon ordinateur et allai chercher une bière dans le frigo. Quelle vie de hamster. J'allais de mon bureau à la cuisine, puis au lit, puis à la salle de sport, puis au bureau de nouveau. On pourrait résumer ma vie avec une chaîne de Markov. Et il fallait me libérer de celle-ci.

Alors je fis mon rituel habituel. Je préparai mon email de démission. Tout le monde me demanda pourquoi je partais. Je sortis une de ces excuses que j'avais déjà dite maintes fois. On ne sait jamais, peut-être que je recroiserais ces bouffons un jour, dans une autre boîte.

Quand ma mère me demanda pourquoi je suis encore parti d'un job qui payait bien, je ne sus quoi lui répondre. Pourquoi suis-je parti? Allai-je le regretter dans le futur? Il y a un nombre limité de pétage de câble que la société accepte de quelqu'un. J'avais sûrement atteint cette limite et allais être catégorisé comme mec instable, marginal.

Je glandai durant les semaines qui suivaient ma démission. Un truc qu'on se rend compte bien vite, c'est que glander seul, c'est chiant. Personne avec qui traîner, aller à la plage, prendre un café, se bourrer la gueule. Les seuls gens qui avaient un tas de temps, c'était les clodos. Mais je n'étais pas assez sociable pour me lier d'amitié avec eux.

Alors je continuai ma vie, suivant une autre chaîne de Markov. Sauf qu'au lieu de taffer, j'allais lire ou j'allais boire un verre.

Et puis un jour, mes bourses devinrent maigres. C'est l'enchaînement logique quand on ne fout rien de sa vie et que l'argent ne fait que sortir de son compte. Il fallait que je sorte ma gueule de premier de la classe, mais je n'en avais plus la force.

Je répondis aux messages de recruteurs, de préférence ceux qui offraient un bon salaire. Quitte à se faire chier, autant gagner du pognon. « So why do you want to join us? » me demandait la CEO. Bah parce que tu m'as envoyé un message et que j'ai besoin d'argent, tiens. Mais bon, fallait que je recommence à sucer des bites et sortir des mythos de nouveau. Comme diraient les américains: « Fuck my life ».